CENTRE D ATHÈNES - SESSION 3 ET 4 JUIN 2010 3 ème degré - Paris-Sorbonne C2++ COMMENTAIRE COMPOSÉ Note sur 20 durée : 4h00 Rédigez un commentaire composé d un extrait de Le Rouge et le Noir de STENDHAL. Julien Sorel, jeune précepteur des enfants de la famille de Rênal, est en villégiature dans le village de Vergy avec ces derniers, leur mère et sa cousine Mme Derville. Il s est promis de prendre la main de Mme de Rênal. Après un dernier moment d attente et d anxiété, pendant lequel l excès de l émotion mettait Julien comme hors de lui, dix heures sonnèrent à l horloge qui était audessus de sa tête. Chaque coup de cloche fatal retentissait dans sa poitrine, et y causait comme un mouvement physique. Enfin, comme le dernier coup de dix heures retentissait encore, il étendit la main et prit celle de madame de Rênal, qui la retira aussitôt. Julien, sans trop savoir ce qu il faisait, la saisit de nouveau. Quoique bien ému lui-même, il fut frappé de la froideur glaciale de la main qu il prenait ; il la serrait avec une force convulsive; on fit un dernier effort pour la lui ôter, mais enfin cette main lui resta. Son âme fut inondée de bonheur, non qu il aimât madame de Rênal, mais un affreux supplice venait de cesser. Pour que madame Derville ne s aperçût de rien, il se crut obligé de parler; sa voix alors était éclatante et forte. Celle de madame de Rênal, au contraire, trahissait tant d émotion, que son amie la crut malade et lui proposa de rentrer. Julien sentit le danger : Si madame de Rênal rentre au salon, je vais retomber dans la position affreuse où j ai passé la journée. J ai tenu cette main trop peu de temps pour que cela compte comme un avantage qui m est acquis. Au moment où madame Derville renouvelait la proposition de rentrer au salon, Julien serra fortement la main qu on lui abandonnait. Madame de Rênal, qui se levait déjà, se rassit, en disant d une voix mourante : - Je me sens, à la vérité, un peu malade, mais le grand air me fait du bien. Ces mots confirmèrent le bonheur de Julien, qui, dans ce moment, était extrême : il parla, il oublia de feindre, il parut l homme le plus aimable aux deux amies qui l écoutaient. Cependant il y avait encore un peu de manque de courage dans cette éloquence qui lui arrivait tout à coup. Il craignait mortellement que madame Derville, fatiguée du vent qui commençait à s élever et qui précédait la tempête, ne voulût rentrer seule au salon. Alors il serait resté en tête à tête avec madame de Rênal. Il avait eu presque par hasard le courage aveugle qui suffit pour agir; mais il sentait qu il était hors de sa puissance de dire le mot le plus simple à madame de Rênal. Quelque légers que fussent ses reproches, il allait être battu, et l avantage qu il venait d obtenir, anéanti. Heureusement pour lui, ce soir-là, ses discours touchants et emphatiques trouvèrent grâce devant madame Derville, qui très souvent le trouvait gauche comme un enfant, et peu amusant. Pour madame de Rénal, la main dans celle de Julien, elle ne pensait à rien; elle se laissait vivre. STENDHAL, Le Rouge et le Noir, «Une soirée à la campagne», 1830. Université Paris IV Sorbonne SELFEE 3-4 juin 2010
Paris-Sorbonne C2 ++ (3 e degré) VERSION - GREC Note sur 10 C est à Skopje, au printemps de 1993, que Klavdij Sluban et moi nous nous sommes rencontrés pour la première fois. C était dans une ruelle ensoleillée du quartier albanais. Nous avons échangé prudemment quelques mots. Deux heures plus tard nous parlions encore : il semble que nous avions des choses à nous raconter. Il était arrivé la semaine précédente de Belgrade. Il avait parcouru le Kosovo à pied et séjourné à Pristina. Il m a décrit cette ville éteinte, sa tristesse, la population privée d activité, de travail, de perspectives, attendant dans la rue attendant quoi? On débarque du train, disait-il, et, solitaire, perdu, plongé dans cette foule, mais séparé d elle par l écran invisible qui colle à tout voyageur, on est un martien. Il faut des heures, des jours avant même de comprendre où l on est, avant simplement d arriver à voir. Il faut marcher, écouter, s imprégner. Et c est seulement après un long temps de patience et d inquiétude que l écran se dissipe et qu il est question, peut-être, de se servir de l appareil photographique. Car Klavdij est photographe. Il parlait aussi de l interminable voyage en train, des attentes aux nouvelles frontières, de gens perdus dans un pays pulvérisé. Il disait qu il avait entrepris un long travail et qu il n en prévoyait pas la fin. De mon coté je lui ai raconté que j avais ce même sentiment, aggravé chez moi par l impossibilité de parler aux gens dans leur langue. François Maspero Balkans-Transit, Seuil 1997. Les candidats sont priés de préciser sur leur copie la langue qu ils ont choisie pour la traduction. Ils doivent donner seulement une traduction d un mot, d une expression ou d une phrase (ne pas proposer deux ou plusieurs traductions). Université Paris-Sorbonne IV SELFEE 3-4 juin 2010
Paris-Sorbonne C2 ++ (3 e degré) THÈME - GREC Note sur 10 Επίσκεψη στο Ellis Island 1. Πάλι οι ατέλειωτες ουρές, ο συνωστισµός, η ταλαιπωρία. Για να επιβιβαστούν στο καραβάκι όλοι υποχρεώνονται να βγάλουν τα παπούτσια τους και υποβάλλονται σε εξονυχιστική σωµατική έρευνα. Παρόµοια δεν υπέµεναν και τότε οι µετανάστες κι ας ήτανε για άλλους λόγους; Έπειτα, στο πλοίο, πλήθος ανθρώπων κάθεται κατάχαµα. Πάλι όπως τότε, στο κατάστρωµα των υπερωκεανίων. Επιστρέφουµε ως τουρίστες στον τόπο όπου οι πρόγονοί µας αποβιβάζονταν ως µετανάστες. Η ιστορία που επαναλαµβάνεται ως φάρσα. Αλλά µήπως δεν είµαστε σήµερα όλοι µετανάστες, πιο ριζικά από ποτέ µετανάστες µέσα στον ίδιο µας τον εαυτό; Συγκίνηση καθώς προσπαθώ να διαβάσω στους τοίχους γκράφιτι στα ελληνικά. Εδώ έφτασαν στις αρχές του 20ού αιώνα πολλοί Χανιώτες, θαρρώ και κάποιοι Κιουρτσάκηδες. Αλίµονο δεν ξέρω να χειριστώ στοιχειωδώς τον υπολογιστή για να κάνω τη γενεαλογική αναζήτηση στην οποία καλούνται οι επισκέπτες. Ποιος θα µου τό λεγε, πριν από σαράντα χρόνια, πως θα γινόµουν νεοαναλφάβητος, εγώ που θεωρούσα τον εαυτό µου σπουδασµένο! Αλλά µετανάστης δεν είµαι κι εγώ; Πέρασαν κιόλας τώρα δυο χρόνια από τότε, µα εκείνη η σύντοµη επίσκεψη έχει στοιχειώσει στο µυαλό µου. [ ] Αλήθεια τί καταθλιπτικό κόσµο άφηναν πίσω τους οι µετανάστες: φτώχεια, καταπίεση, πολέµους, κάποτε και σφαγές (ας θυµηθούµε όσους έρχονταν από τα βάθη της Μικρασίας). [ ] Πόσα, αλήθεια, διδάσκει τούτη η επίσκεψη! Όχι µόνο για την Ελλάδα αλλά και για την Αµερική : γι αυτό που ήταν και γι αυτό που έγιναν οι Έλληνες αλλά και γι αυτό που είναι η Αµερική. Από το δοκίµιο του Γιάννη Κιουρτσάκη, Ένας χωρικός στη Νέα Υόρκη (2009). Note 1 : Ellis Island: petite île située près de la statue de la Liberté à New York. Elle a été l entrée principale des immigrants qui arrivaient aux États-Unis. Elle abrite actuellement un musée. Les candidats sont priés de préciser sur leur copie la langue qu ils ont choisie pour la traduction. Ils doivent donner seulement une traduction d un mot, d une expression ou d une phrase (ne pas proposer deux ou plusieurs traductions). Université Paris-Sorbonne IV SELFEE 3 ET 4 juin 2010
SERVICE DES EXAMENS DE LANGUE FRANCAISE RÉSERVES AUX ÉTUDIANTS ÉTRANGERS D I P L Ô M E S U P ÉR I E U R D ÉT U D E S F R A N Ç A I S E S 3 e degré - Paris-Sorbonne C2++ Résumé Note sur 10 - Durée : 2h30 Vous résumerez ce texte au quart de sa longueur en indiquant le nombre de mots (173 mots, tolérance 10%). THÉORIE DE LA FÊTE A la vie régulière occupée aux travaux quotidiens, paisible, prise dans un système d interdits, toute de précautions, où la maxime «Quieta non movere» (1) maintient l ordre du monde, s oppose l effervescence de la fête. Celle-ci, si l on ne considère que ses aspects extérieurs, présente des caractères identiques à n importe quel niveau de civilisation. Elle implique un grand concours de peuple agité et bruyant. Ces rassemblements massifs favorisent la naissance et la contagion d une exaltation qui se dépense en cris et en gestes, qui incitent à s abandonner sans contrôle aux impulsions les plus irréfléchies. Même aujourd hui, où cependant les fêtes appauvries ressortent si peu sur le fond de grisaille que constitue la monotonie de la vie courante et y apparaissent dispersées, émiettées, presque enlisées, on distingue encore en elles quelques misérables vestiges du déchaînement collectif qui caractérise les anciennes frairies (2). En effet, les déguisements et les audaces permises au carnaval, les libations et les bals de carrefour du 14 juillet, témoignent de la même nécessité sociale et la continuent. Il n y a pas de fête, même triste par définition, qui ne comporte au moins un début d excès et de bombance : il n est qu à évoquer les repas d enterrement à la campagne. De jadis ou d aujourd hui, la fête se définit toujours par la danse, le chant, l ingestion de nourriture et la beuverie. Il faut s en donner tout son saoûl jusqu à s épuiser, jusqu à se rendre malade. C est la loi même de la fête. /
Dans les civilisations dites primitives, le contraste a sensiblement plus de relief. La fête dure plusieurs semaines, plusieurs mois, coupée par des périodes de repos, de quatre ou cinq jours. Il faut souvent plusieurs années pour réunir la quantité de vivres et de richesses qu on y verra non seulement consommées ou dépensées avec ostentation, mais encore détruites ou gaspillées durement et simplement, car le gaspillage et la destruction, formes de l excès, rentrent de droit dans l essence de la fête. Celle-ci termine volontiers de façon frénétique et orgiaque dans une débauche nocturne de bruits et de mouvements que les instruments les plus frustes, frappés en mesure, transforment en rythme et en danse. Selon la description d un témoin, la masse humaine, grouillante, ondule en pilonnant le sol, pivote par secousses autour d un mât central. L agitation se traduit par toutes espèces de manifestations qui l accroissent. Elle s augmente et s intensifie de tout ce qui l exprime : choc obsédant des lances sur les boucliers, chants gutturaux fortement scandés, saccades et promiscuité de la danse. La violence naît spontanément. De temps en temps, des rixes éclatent : les combattants sont séparés, portés en l air par des bras vigoureux, balancés en cadence jusqu à ce qu ils soient calmés. La ronde n en n est pas interrompue ( ). On comprend que la fête, représentant un tel paroxysme de vie et tranchant si violemment sur les menus soucis de l existence quotidienne, apparaisse à l individu comme un autre monde, où il se sent soutenu et transformé par des forces qui le dépassent. Son activité journalière, cueillette, chasse, pêche ou élevage, ne fait qu occuper son temps et pourvoir à ses besoins immédiats. Il y apporte sans doute de l attention, de la patience, de l habileté, mais, plus profondément, il vit dans le souvenir d une fête et dans l attente d une autre, car la fête figure pour lui, pour sa mémoire et pour son désir, le temps des émotions intenses et de la métamorphose de son être. Aussi est-ce l honneur de Durkheim (3) d avoir reconnu l illustration capitale que les fêtes fournissaient, en face des jours ouvrables, à la distinction du sacré et du profane. Elles opposent en effet une explosion intermittente à une terne continuité, une frénésie exaltante à la répétition quotidienne des mêmes préoccupations matérielles, le souffle puissant de l effervescence commune aux calmes travaux où chacun s affaire à l écart, la concentration de la société à sa dispersion, la fièvre de ces instants culminants au tranquille labeur des phases atones de son existence. Roger CAILLOIS, L Homme et le Sacré (1950). (1) Locution latine signifiant qu «il ne faut pas mettre en mouvement ce qui est en repos». (2) Frairie : fête. (3) Emile Durkheim (1858 1917) : sociologue français. Nombre de mots : 648 Université Paris-Sorbonne IV SELFEE 3-4 juin 2010