La ques(on de la violence sacrificielle en Grèce ancienne : Sopatros et les Bouphonies athéniennes.

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1 La ques(on de la violence sacrificielle en Grèce ancienne : Sopatros et les Bouphonies athéniennes.

2 W. Burkert, Homo Necans. Rites sacrificiels et mythes de la Grèce ancienne, trad. Française, Paris, Les Belles Lettres, 2005 (1 ère éd all. 1972). [Dans le sacrifice] l'action centrale est l'acte de tuer, l'événement de l'événement de mourir. p. 26 [La fête des Bouphonies] porte dans son nom même, ce que le rituel va dérouler sous nos yeux : un parfum de crime et de culpabilité. p. 180 Karl Meuli s est violemment élevé contre cette manière d isoler les Bouphonies et d en faire un rituel exceptionnel : le rythme fondamental de la fête était, selon lui, absolument parallèle à celui d un sacrifice plus simple, «normal» L ancienne «comédie d innocence» y était simplement suraccentuée. On voit bien qu on a ici l émergence de quelque chose de très ancien et de primaire. p. 183

3 Violence et sacrifice. Quelques repères René Girard, La violence et le sacré, Paris W. Burkert, Creation of the Sacred: Tracks of Biology in Early Religions, Cambridge MA Hamerton-Kelly R. (éd.), Violent Origins. Walter Burkert, René Girard and Jonathan Smith on ritual killing and cultural formation, Stanford University Press 1987.

4 J.-P. Vernant, «Théorie générale du sacrifice et mise à mort dans la thusia grecque», in Le sacrifice dans l'antiquité, J. Rudhardt & O. Reverdin (éds.), Entretiens sur l'antiquité classique XXVII, Genève Il existe en effet un rituel athénien dont la valeur apparaît exemplaire pour l'intelligence de l'institution : toutes les tensions qui travaillent de l'intéreur les sacrifice grec s'y inscrivent en pleine lumière. Dans les Bouphonia (Meurtre du bœuf), pour appeler ce sacrifice par son nom, les Grecs ont en quelque sorte directement joué et mis en scène le paradoxe d'une mise à mort qui se nie elle même, qui s'abolit en se transposant en rite, qui se dépasse pour introduire à la culture et fonder l'ordre religieux, civique, humain. p. 14

5 L. Scubla, «Ceci n'est pas un meurtre, ou Comment le sacrifice contient la violence», in F. Héritier (éd.), De la violence : Séminaire, Paris 1999, II : Depuis plus d'un siècle, les rites sacrificiels ont fait l'objet de très nombreuses études, sans que les spécialistes soient parvenus à se me?re d'accord sur leur nature et leur fonc@on. Pour la plupart des anthropologues, cet échec serait dû à la trop grande diversité des rites qui rendraient vaines toute tenta(ve pour les ramener à un modèle unique. À notre avis, ce?e explica(on n'est pas recevable. ( ) L'étude des interdits (auxquels tous les sacrificateurs sont soumis) permet d'élaborer une théorie générale du sacrifice ( ). L'interdit associé au fait que ce rite comprend toujours la destruc@on d'une vic@me ( ) laisse entrevoir une étrange parenté entre le sacrifice et le meurtre, et la han@se d'une confusion toujours possible entre la geste sacré du prêtre et le geste meurtrier de l'assassin. p. 135 Avec ce rite, nous sommes au cœur de notre sujet, les acteurs s'y conduisent comme si, à la fois, ils reconnaissaient et refusaient d'adme?e que le sacrifice est un meurtre. C'est bien un meurtre, puisque la mort du bœuf y déclenche l'ouverture d'une procédure pénale. Et pourtant ce n'est pas un meurtre, puisque les hommes voulaient seulement faire un sacrifice non sanglant : c'est le sacrilège perpétué par le bœuf qui les a obligé à tuer. Tout se passe donc comme si, pour remplir son office, le sacrifice exigeait tout à fois de ressembler à un meurtre et de ne pas pouvoir être iden(fié à lui. p. 154

6 M. culinaires et esprit de sacrifice», in M. & J.- P. Vernant (éds), La cuisine du sacrifice en pays grec, Paris 1979, 7-35 Aujourd hui, dans la distance que creusent encore davantage les analyses publiées en ce volume, il semble important de dire que la no(on de «sacrifice» est bien une catégorie de la pensée d hier, conçue aussi arbitrairement que celle de totémisme dénoncée naguère par Lévi- Strauss à la fois pour rassembler en un type ar@ficiel des éléments prélevés ici et là, dans symbolique des sociétés, et pour avouer l étonnant empire que le chris(anisme englobant n a cessé d exercer secrètement sur la pensée de ces historiens et sociologues convaincus qu ils inventaient une science nouvelle. p

7 V. Pirenne-Delforge, Retour à la source. Pausanias et la religion grecque, Centre International d Etude de la Religion Grecque Antique, Liège 2008 Dans un système religieux où les no@ons de dogme et de canon n ont pas de réalité, celle de «norme» peut rapidement suje?e à cau@on. On lui préfèrera dès lors celle de «trame», c est- à- dire l arrière- plan partagé sur lequel viennent se nouer des mo@fs singuliers. Le mot même de thusia devait faire surgir, pour une oreille grecque, un ensemble minimal d actes fédérateurs. Pausanias lui- même associe le fait de consommer les cuisses d un animal pour un dieu à un nomos propre aux Grecs. Il existe donc bien une «manière grecque» de faire. Toutefois, les centaines de règlements épigraphiques mis au jour ( ) montrent que les mo@fs qui s impriment sur la trame sont d une grande variété. En ce?e ma@ère ( ) c est le par(cularisme qui saute d abord aux yeux. p. 179

8 J.-L. Durand, Sacrifice et labour en Grèce ancienne. Essai d anthropologie religieuse, Paris &Rome 1986.

9

10 La fête de Zeus polieus, le 14 skirophorion Les bouphonia

11 Kékrops / Érechthée

12 S. D. Lambert, «The sacrificial Calendar of Athens», BSA Athens 97 (2002),

13 Porphyre, De l'abstinence II, = Theophraste, De la piété, fr. 4 Bernays, fr Pötscher 28.4 Kαὶ γὰρ οὔτε φόνῳ τοὺς τῶν θεῶν βωµοὺς χραίνειν δεῖ, οὔτε ἁπτέον τοῖς ἀνθρώποις τῆς τοιαύτης τροφῆς, ὡς οὐδὲ τῶν ἰδίων σωµάτων, ἀλλὰ ποιητέον παράγγελµα τῷ παντὶ βίῳ τὸ ἐν Ἀθήναις ἔτι σῳζόµενον. Car il ne faut ni souiller les autels des dieux par une mise à mort ni que les hommes touchent à une telle nourriture, pas plus qu'au corps de leurs semblables, il faut élever au rang de précepte valable pour toute la vie l'usage qui est encore conservé à Athènes οὕτως οὔτε τὸ παλαιὸν ὅσιον ἦν κτείνειν τὰ συνεργὰ τοῖς βίοις ἡµῶν ζῷα, νῦν τε τοῦτο φυλακτέον ἐστὶ πράττειν. Ainsi dans l'ancien temps, c'était un acte contraire à la loi divine que de tuer les animaux qui travaillent avec nous pour assurer notre existence. Il faut donc aujourd'hui aussi se garder de le faire.

14 La mise à mort Porphyre 29.1 τὸ γὰρ παλαιόν, ὡς καὶ πρόσθεν ἐλέγοµεν, καρποὺς τοῖς θεοῖς τῶν ἀνθρώπων θυόντων, ζῷα δὲ οὔ, οὐδὲ εἰς τὴν ἰδίαν τροφὴν καταχρωµένων, λέγεται κοινῆς θυσίας οὔσης Ἀθήνησιν Δίοµον ἢ Σώπατρόν τινα, τῷ γένει οὐκ ἐγχώριον, γεωργοῦντα δὲ κατὰ τὴν Ἀττικήν, ἐπεὶ πελάνου τε καὶ τῶν θυληµάτων ἐπὶ τῆς τραπέζης ἐναργῶς κειµένων, ἵνα τοῖς θεοῖς ταῦτα θύοι, τῶν βοῶν τις εἰσιὼν ἀπ ἔργου τὰ µὲν κατέφαγε τὰ δὲ συνεπάτησεν, αὐτὸν δ ὑπεραγανακτήσαντα τῷ συµβάντι, πελέκεώς τινος πλησίον ἀκονωµένου, τοῦτον ἁρπάξαντα πατάξαι τὸν βοῦν Dans l'ancien temps, comme je l'ai déjà dit, les hommes sacrifiaient aux dieux des produits de leurs récoltes mais pas d'animaux ; ils ne les utilisaient pas non plus pour leur nourriture personnelle. Au cours, dit-on, d'un sacrifice collectif qui avait lieu à Athènes, un certain Diomos ou Sopatros qui n'était pas du pays par sa lignée, mais qui cultivait la terre à travers l'attique avait déposé sur la table, bien en évidence un gâteau et les pâtes pour les sacrifier aux dieux, quand un des bœufs rentrant du travail en mangea une partie et en piétina le reste. Pris d'une violente colère devant ce qui arrivait, l'homme, alors qu'une hache était aiguisée non loin de là, la saisit et abattit le bœuf.

15 La sépulture du bœuf Porphyre 29.2 τελευτήσαντος δὲ τοῦ βοός, ὡς ἔξω τῆς ὀργῆς καταστὰς συνεφρόνησεν οἷον ἔργον ἦν εἰργασµένος, τὸν µὲν βοῦν θάπτει, φυγὴν δὲ ἑκούσιον ἀράµενος ὡς ἠσεβηκώς, ἔφυγεν εἰς Κρήτην. Quand la bête fut morte, Sopatros, revenant de sa colère, comprit quel acte il venait d'accomplir. Il donna une sépulture au bœuf puis, partant de lui- même en exil comme quelqu'un ayant commis une impiété, il s'enfuit en Crète.

16 L institution du sacrifice sanglant Porphyre αὐχµῶν δὲ κατεχόντων καὶ δεινῆς ἀκαρπίας γενοµένης, ἐπερωτῶσι κοινῇ τὸν θεὸν ἀνεῖλεν ἡ Πυθία τὸν ἐν Κρήτῃ φυγάδα ταῦτα λύσειν, τόν τε φονέα τιµωρησαµένων καὶ τὸν τεθνεῶτα ἀναστησάντων ἐν ᾗπερ ἀπέθανε θυσίᾳ λῷον ἔσεσθαι γευσαµένοις τε τοῦ τεθνεῶτος καὶ µὴ κατασχοῦσιν. ὅθεν ζητήσεως γενοµένης καὶ τοῦ [Σωπάτρου] µεταιτίου τῆς πράξεως ἀνευρεθέντος, Σώπατρος νοµίσας τῆς περὶ αὑτὸν δυσκολίας ἀπαλλαγήσεσθαι ὡς ἐναγοῦς ὄντος, εἰ κοινῇ τοῦτο πράξειαν πάντες, ἔφη πρὸς τοὺς αὐτὸν µετελθόντας, δεῖν κατακοπῆναι βοῦν ὑπὸ τῆς πόλεως. ἀπορούντων δὲ τίς ὁπατάξων ἔσται, παρασχεῖν αὐτοῖς τοῦτο, εἰ πολίτην αὐτὸν ποιησάµενοι [καὶ] κοινωνήσουσι τοῦ φόνου. Or une sécheresse vint à sévir avec une terrible pénurie de récoltes. À la commune venue consulter le dieu, la pythie répondit que l'exilé de Crète me?rait fin à tout cela et que, s'ils punissaient celui qui a tué et s'ils reme?aient sur pied le mort dans le même sacrifice que celui où précisément il avait perdu la vie les choses iraient mieux pour eux, à condi@on de consommer le mort et de ne pas s'en faire scrupule. On se mit alors en quête et l'on retrouva Sopatros, qui avait une part de responsabilité dans l'affaire. Ayant pensé qu'il serait délivré de la situa@on pénible où le me?ait son état d'impureté s'ils accomplissaient cela tous en commun Sopatros déclara à ceux qui étaient venus le chercher qu'il fallait qu'un bœuf fût aba?u par la cité. Comme ils étaient embarrassés pour choisir celui qui frapperait, il leur offrit de le faire si, après lui avoir conféré le droit de cité, ils me?aient aussi en commun la mise à mort.

17 Partage et commensalité Porphyre 30.5 τοὺς δ ἀ π ὸ τοῦ ἐ π ισφάξα ντος δαιτροὺςὀνοµάζουσιν διὰ τὴν ἐκ τῆς κρεανοµίας γιγνοµένην δαῖτα. les descendants de l'homme qui a égorgé se nomment Daitroi à cause du festin qui a suivi le partage de la viande.

18 Cité et sacrifice sanglant Porphyre αὐχµῶν δὲ κατεχόντων καὶ δεινῆς ἀκαρπίας γενοµένης, ἐπερωτῶσι κοινῇ τὸν θεὸν ἀνεῖλεν ἡ Πυθία τὸν ἐν Κρήτῃ φυγάδα ταῦτα λύσειν, τόν τε φονέα τιµωρησαµένων καὶ τὸν τεθνεῶτα ἀναστησάντων ἐν ᾗπερ ἀπέθανε θυσίᾳ λῷον ἔσεσθαι γευσαµένοις τε τοῦ τεθνεῶτος καὶ µὴ κατασχοῦσιν. ὅθεν ζητήσεως γενοµένης καὶ τοῦ [Σωπάτρου] µεταιτίου τῆς πράξεως ἀνευρεθέντος, Σώπατρος νοµίσας τῆς περὶ αὑτὸν δυσκολίας ἀπαλλαγήσεσθαι ὡς ἐναγοῦς ὄντος, εἰ κοινῇ τοῦτο πράξειαν πάντες, ἔφη πρὸς τοὺς αὐτὸν µετελθόντας, δεῖν κατακοπῆναι βοῦν ὑπὸ τῆς πόλεως. ἀπορούντων δὲ τίς ὁπατάξων ἔσται, παρασχεῖν αὐτοῖς τοῦτο, εἰ πολίτην αὐτὸν ποιησάµενοι [καὶ] κοινωνήσουσι τοῦ φόνου. Or une sécheresse vint à sévir avec une terrible pénurie de récoltes. À la commune venue consulter le dieu, la pythie répondit que l'exilé de Crète me?rait fin à tout cela et que, s'ils punissaient celui qui a tué et s'ils reme?aient sur pied le mort dans le même sacrifice que celui où précisément il avait perdu la vie les choses iraient mieux pour eux, à condi@on de consommer le mort et de ne pas s'en faire scrupule. On se mit alors en quête et l'on retrouva Sopatros, qui avait une part de responsabilité dans l'affaire. Ayant pensé qu'il serait délivré de la situa@on pénible où le me?ait son état d'impureté s'ils accomplissaient cela tous en commun Sopatros déclara à ceux qui étaient venus le chercher qu'il fallait qu'un bœuf fût aba?u par la cité. Comme ils étaient embarrassés pour choisir celui qui frapperait, il leur offrit de le faire si, après lui avoir conféré le droit de cité, ils me?aient aussi en commun la mise à mort.

19 Une victime toute désignée Porphyre 30.4 ἀπὸ δ ἐκείνου µέχρι τοῦ νῦν ἀεὶ τοῖς Διιπολίοις Ἀθήνησιν ἐν ἀκροπόλει οἱ εἰρηµένοι τὸν αὐτὸν τρόπον ποιοῦνται τὴν τοῦ βοὸς θυσίαν. θέντες γὰρ ἐπὶ τῆς χαλκῆς τραπέζης πέλανον καὶ ψαιστά, περιελαύνουσι τοὺς κατανεµηθέντας βοῦς, ὧν ὁ γευσάµενος κόπτεται. Depuis ce temps là jusqu'à nos jours, aux cours des Dipolies, sur l'acropole d'athènes, les personnes susdites accomplissent toujours de la même façon le sacrifice du bœuf. Ayant déposé sur la table de bronze un gâteau et des bouillies, ils font circuler tout autour les bœufs désignés à cet effet et l'on abat celui qui goûte les offrandes.

20 Le bœuf est bien une bête! Porphyre 30.2 τούτων δὲ πραχθέντων τὴν µὲν δορὰν τοῦ βοὸς ῥάψα ντες κ α ὶ χόρτῳ ἀ π ογκώσα ντες ἐξανέστησαν, ἔχοντα ταὐτὸν ὅπερ καὶ ζῶν ἔσχε σχῆµα, καὶ προσέζευξαν ἄροτρον ὡς ἐργαζοµένῳ. Après ces opérations, on cousit la peau du bœuf, on la bourra de foin et on la mit sur pied en lui donnant l'allure même qu'avait l'animal quand il était vivant, puis on l'attela à une charrue comme s'il était au travail.

21 30.3 Le jugement du couteau Porphyre 30.5 κρίσιν δὲ ποιούµενοι τοῦ φόνου πάντας ἐκάλουν εἰς ἀπολογίαν τοὺς τῆς πράξεως κοινωνήσαντας. ὧν δὴ αἱ µὲν ὑδροφόροι τοὺς ἀκονήσαντας αὑτῶν ᾐτιῶντο µᾶλλον, οἱ δὲ ἀκονήσαντες τὸν ἐπιδόντα τὸν πέλεκυν, οὗτος δὲ τὸν ἐπισφάξαντα, καὶ ὁ τοῦτο δράσας τὴν µάχαιραν, καθ ἧς οὔσης ἀφώνου τὸν φόνον κατέγνωσαν. Ensuite, on procéda au jugement du sang versé et tous ceux qui avaient mis en commun l'action furent cités pour se justifier. Parmi eux, les porteuses d'eau mirent en cause comme plus responsables qu'elles ceux qui avaient aiguisé les instruments. Ceux qui avaient aiguisé désignèrent celui qui avait tendu la hache ; celui-ci l'homme qui avait égorgé l'animal, et celui qui avait accompli cette action désigna le couteau ; n'ayant pas le pouvoir de parler, il se vit accusé pour le sang versé. πληρώσαντες δὲ τὴν βύρσαν, ὅταν πρὸς τὴν κρίσιν ἀχθῶσιν, κατεπόντωσαν τὴν µάχαιραν. Quand ils ont rempli la peau du bœuf et comparu au jugement, ils jettent le couteau à la mer.

22 La d Athènes par Épiménide Vie de Solon 12, trad. A.- M. Ozanam : Τὸ δὲ Κυλώνειον ἄγος ἤδη μὲν ἐκ πολλοῦ διετάραττε τὴν πόλιν, ἐξ οὗ τοὺς συνωμότας τοῦ Κύλωνος ἱκετεύοντας τὴν θεὸν Μεγακλῆς ὁ ἄρχων ἐπὶ δίκῃ κατελθεῖν ἔπεισεν, ἐξάψαντας δὲ τοῦ ἕδους κρόκην κλωστὴν καὶ ταύτης ἐχομένους, ὡς ἐγένοντο περὶ τὰς Σεμνὰς θεὰς καταβαίνοντες, αὐτομάτως τῆς κρόκης ῥαγείσης, ὥρμησε συλλαμβάνειν ὁ Μεγακλῆς καὶ οἱ συνάρχοντες, ὡς τῆς θεοῦ τὴν ἱκεσίαν ἀπολεγομένης, καὶ τοὺς μὲν ἔξω κατέλευσαν, οἱ δὲ τοῖς βωμοῖς προσφυγόντες ἀπεσφάγησαν, μόνοι δ' ἀφείθησαν οἱ τὰς γυναῖκας αὐτῶν ἱκετεύσαντες. 2 ἐκ τούτου δὲ κληθέντες ἐναγεῖς ἐμισοῦντο, καὶ τῶν Κυλωνείων οἱ περιγενόμενοι πάλιν ἦσαν ἰσχυροί, καὶ στασιάζοντες ἀεὶ διετέλουν πρὸς τοὺς ἀπὸ τοῦ Μεγακλέους. 3 ἐν δὲ τῷ τότε χρόνῳ τῆς στάσεως ἀκμὴν λαβούσης μάλιστα, καὶ τοῦ δήμου διαστάντος ( ) 6 καὶ φόβοι τινὲς ἐκ δεισιδαιμονίας ἅμα καὶ φάσματα κατεῖχε τὴν πόλιν, οἵ τε μάντεις ἄγη καὶ μιασμοὺς δεομένους καθαρμῶν προφαίνεσθαι διὰ τῶν ἱερῶν ἠγόρευον. 7 οὕτω δὴ μετάπεμπτος αὐτοῖς ἧκεν ἐκ Κρήτης Ἐπιμενίδης ὁ Φαίστιος 1. Depuis longtemps déjà, le sacrilège dans l affaire de Cylon (tô Kulóneion ágos) bouleversait Athènes. La chose remontait au temps où les complices de Cylon s étaient réfugiés en suppliants auprès de la déesse : l archonte Mégaclès les avait persuadé de descendre de l acropole pour se présenter au jugement. Ils avaient a?aché un fil à la statue (toû hédous) de la déesse, et ils descendaient en le tenant à la main, mais, alors qu ils passaient devant le sanctuaire des augustes déesses (semàs théas = les Erinyes - Euménides), le fils se brisa de lui- même. Mégaclès et les autres archontes se jetèrent alors sur eux, prétendant que la déesse leur refusait les droits des suppliants. On lapida ceux qui étaient hors du sanctuaire, ceux qui étaient prés des autels furent égorgés (apesphágêsan) ; seuls réchappèrent ceux qui s étaient présentés en suppliants devant les femmes des archontes. 2. Ces derniers furent alors déclarés impurs et destestés. De leur côté, les par@sans de Cylon qui avaient survécu reprirent des forces et ne cessèrent de lu?er contre les descendants de Mégaclès. 3. À l époque de Solon, le conflit était à son comble et divisait le peuple ( ). 6. Dans le même temps, la cité était tourmentée par des craintes supers@@euses (phóboi ek deisidaimonías) et des appari@ons (phásmata) ; les devins déclarèrent que l examen des vic@mes révélait des sacrilèges et des souillures (ágê kaì miasmoùs) qui exigeaient des purifica@ons (katharmôn). 7. On fit donc venir de Crète Épiménide de Phaestos ( ).

23 Refonder le lien sacrificiel DIOGÈNE LAËRCE, Vies et doctrines des philosophs illustres , trad. R. Goulet : Ὅθεν καὶ Ἀθηναίοις τότε λοιμῷ κατεχομένοις ἔχρησεν ἡ Πυθία καθῆραι τὴν πόλιν οἱ δὲ πέμπουσι ναῦν τε καὶ Νικίαν τὸν Νικηράτου εἰς Κρήτην, καλοῦντες τὸν Ἐπιμενίδην. καὶ ὃς ἐλθὼν Ὀλυμπιάδι τεσσαρακοστῇ ἕκτῃ ἐκάθηρεν αὐτῶν τὴν πόλιν καὶ ἔπαυσε τὸν λοιμὸν τοῦτον τὸν τρόπον. λαβὼν πρόβατα μελανά τε καὶ λευκὰ ἤγαγε πρὸς τὸν Ἄρειον πάγον. κἀκεῖθεν εἴασεν ἰέναι οἷ βούλοιντο, προστάξας τοῖς ἀκολούθοις ἔνθα ἂν κατακλίνοι αὐτῶν ἕκαστον, θύειν τῷ προσήκοντι θεῷ καὶ οὕτω λῆξαι τὸ κακόν. ὅθεν ἔτι καὶ νῦν ἔστιν εὑρεῖν κατὰ τοὺς δήμους τῶν Ἀθηναίων βωμοὺς ἀνωνύμους, ὑπόμνημα τῆς τότε γενομένης ἐξιλάσεως. οἱ δὲ τὴν αἰτίαν εἰπεῖν τοῦ λοιμοῦ τὸ Κυλώνειον ἄγος σημαίνειν τε τὴν ἀπαλλαγήν καὶ διὰ τοῦτο ἀποθανεῖν δύο νεανίας, Κρατῖνον καὶ Κτησίβιον, καὶ λυθῆναι τὴν συμφοράν. Aussi comme une peste (loimôi katechoménois) affligeait Athènes, la Pythie leur prescrivit dans un oracle de purifier (kathêrai) la cité. Les Athéniens envoient en Crète un navire, ainsi que Nicias, pour faire appel à Épiménide. Celui- ci vint en la 46 e olympiade (596/95-593/2) pour purifier la cité et fit cesser la peste (épause tòn loimòn) de la manière suivante. Ayant pris des brebis noires et des blanches, ils les conduisit sur l Aréopage, et là, ils les laissa aller où elles voulaient, après avoir ordonné à ses assistants, là où chacune d elle se coucherait, de les sacrifier au dieu du voisinage (thúein tôi prosékonl thôi). Et c est ainsi que le mal (kakón) cessa. C est pourquoi encore aujourd hui, il est possible de découvrir dans les dèmes d Athènes, des autels anonymes, en souvenir de la propi@a@on (exiláseôs) qui fut alors célébrée. D autres rapportent qu il aurait dit que la cause de la peste (loimoû) était la souillure liée à l affaire de Cylon (tô Kulóneion ágos) et qu il aurait indiqué la manière de s en débarrasser. Et pour ce?e raison, on aurait fait mourir (apothaneîn) deux jeunes gens, Cra@nos et Ctésibios, et le fléau aurait été dissipé (luthênai tèn sumphorán).